Boko Haram et ISWAP ou la stratégie de la terreur
La secte Boko Haram a été fondée en 2002 dans l’État du Borno (au nord-est du Nigéria), une des régions les plus pauvres et les moins alphabétisées du pays. Le nom Boko Haram signifierait « l’éducation occidentale est un péché ». La secte s’attaque principalement à l’État laïc, au pluralisme religieux mais aussi aux autorités religieuses islamiques traditionnelles. Ce mouvement s’inscrit dans un contexte de radicalisation religieuse dans les sectes musulmanes du Nord-Nigéria. Néanmoins, l’appel à l’instauration d’un État islamique radical ne rencontre pas l’adhésion majoritaire des populations.
L’assassinat du fondateur Mohammed Yusuf par les forces de police en 2009 a provoqué l’intensification de la violence. Le manque de discernement des forces de police et la brutalité de la répression ont alimenté les rangs de la secte. Le mouvement a pris pour cible les forces de sécurité, les étudiant·es, les villageois·es, les personnages politiques ou les leaders traditionnels. Dans sa stratégie de terreur, la secte utilise les attentats-suicides ou les massacres collectifs (comme en septembre 2013 où 40 étudiant·es ont été tué·es dans leur école ou, en 2014, avec l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok ayant donné lieu à la campagne « Bring back our girls »). La dissidence monte cependant au sein de Boko Haram en raison de la violence du groupe à l’encontre des civil·es musulman·es. Le groupe est scindé en deux entre Boko Haram devenu JASDJ mené par Shekau et l’ISWAP (Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique) fraction de l’État Islamique. À la mort de Shekau, certains combattants rallient l’ISWAP et d’autres se rendent aux autorités nigérianes ou camerounaises.
Déplacements internes
Les exactions de Boko Haram et ISWAP ainsi que les ripostes non-ciblées des forces de l’ordre ont eu d’importantes conséquences humanitaires et migratoires dans le Nord-Est du Nigéria. Ainsi, plus de 2,2 millions de personnes ont été déplacées dans des camps de la région, plus précisément dans les États de Borno, Adamawa et Yobe.
Leur situation de déplacé·es internes fragilise ces populations déjà vulnérables. Elles sont ainsi à risque de malnutrition, de traite humaine mais également en proie à des facteurs climatiques, tels que des inondations comme à Maiduguri, dans l’État de Borno.
Conflits dans la Middle Belt
La Middle Belt représente la région géographique traversant d’ouest en est le Nigéria. Réputée pour ses terres fertiles, elle comprend neuf États : Niger, Kwara, Territoire de la capitale fédérale (FCT), Kogi, Benue, Nassarawa, Plateau, Taraba et Adamawa.
Cette région est le théâtre d’une crise depuis plusieurs années, ayant entraîné la mort d’un grand nombre de personnes notamment dans les communautés rurales ainsi que de nombreux·ses déplacé·es.
Les massacres du 23 au 25 décembre 2023, avec la mort de plus de 160 personnes dans une vingtaine de villages dans l’État du Plateau, a relancé les nombreux débats concernant les origines des violences récurrentes ayant lieu dans la région. Tantôt expliqué comme un conflit entre autochtones et colons, entre fermier·ères sédentaires et éleveurs nomades ou entre chrétien·nes et musulman·es, cette crise révèle les nombreuses tensions au sein du pays et la frustration de la population face à l’incapacité du gouvernement central de réagir.
Le déplacement des violences vers des zones géographiques au sud et au nord-ouest du pays, jusqu’alors épargnées, augmente les méfiances intercommunautaires. Au Sud, les éleveurs (pour la plupart fulani et musulmans) sont perçus comme des bandits, pilleurs de terres et à l’origine des nombreux massacres commis contre la communauté rurale chrétienne de la Middle Belt. Au Nord, il existe un sentiment d’injustice car les éleveurs ne sont pas reconnus par la population locale comme des autochtones bien que parfois présents dans la Middle Belt depuis plus de cent ans. Ils dénoncent également la pénurie de terres disponibles pour leur troupeau et la sous-médiatisation des massacres commis par la population locale, fermière, envers les éleveurs (pour la plupart chrétiens).
Différentes lois au niveau local et national ont été promulguées afin de régler le problème à l’image de la déclaration d’Asaba : cette loi votée à l’unanimité par les gouverneurs du Sud, interdit le pastoralisme dans une volonté d’encourager les éleveurs à se sédentariser. Elle a cependant été décriée par certains membres du gouvernement fédéral et reste, comme les différentes autres lois passées, peu appliquée.