"Créer, c’est résister. Résister, c’est créer" – Stéphane Hessel
L’Art, souvent présenté comme synonyme d’esthétique, de beauté, neutre socialement et politiquement, apparaît en réalité comme un reflet de la société qu’il dépeint. Il est, certes, d’abord, la pratique d’une expression intime et individuelle, mais il peut être aussi profondément politique : un outil contestataire, un récit alternatif, sensible et nécessaire, dans le brouhaha constant d’un monde en mouvement, traversé par des luttes sociales, sociétales ou politiques. D’autre part, l’art, par ce qu’il dit du monde qui l’entoure, est bien souvent un outil d’affirmation culturelle, et peut ainsi participer à l’émancipation des peuples. L’art contribue de fait à façonner nos modes de pensée, de sentir, d’aborder le monde.
Néanmoins, l’art se heurte à des rapports de pouvoir qui catégorisent les processus créatifs entre l’art « savant » et les autres formes d’expression (hip hop, rap, créations des peuples autochtones, etc.) qui sont souvent dépréciées, et il se retrouve souvent cantonné à des sphères élitistes, imposant la bonne manière d’enseigner, d’apprendre, d’être créatif. En cela l’éducation et l’art se retrouvent face au même défi : être apprivoisés en dehors de cadres académiques légitimés mais parfois délégitimants.
Françoise Vergès, politologue et militante féministe décoloniale, écrivait dans son dernier essai [1] : « L’universel dont se réclame le musée est une arme de domination coloniale ». Elle disait aussi [2], à propos de son livre, qu’il accordait
« une attention aux mouvements ou aux artistes que l’hétéronormativité blanche a masqué, les artistes femmes ou noires, asiatiques, arabes, qui ont été effacées d’un mouvement. C’est important. Comme sont importantes toutes les initiatives, pratiques, expériences, qui le plus souvent ne se déroulent pas dans les institutions, mais à côté, dans des espaces « marrons » (au sens d’autonomes) et qui font entrevoir d’autres récits, narrations, écritures de l’histoire, regards… ».
L’ECSI, de son coté, est une approche pédagogique émancipatrice, partant des représentations de chacun·e, pour aboutir à une pensée systémique et globale. Ce travail de l’individuel au collectif, du local à l’international, croise en de nombreux points une lecture artistique des différents enjeux qui se jouent dans les sociétés humaines. Il existe donc de nombreuses passerelles entre art et ECSI pour libérer l’expression, donner à voir des luttes et des récits alternatifs, délier l’imaginaire. L’ECSI fait d’ailleurs régulièrement appel à des pratiques artistiques pour atteindre ses objectifs : théâtre, arts plastiques, danse, poésie, cinéma... toutes ces formes d’art sont des outils puissants au service du changement vers plus de justice sociale, plus de respect de l’être humain et de l’environnement.
Ce numéro de la lettre de l’ECSI propose quelques pistes de réflexion pour appréhender ensemble l’art et l’éducation comme de formidables leviers d’expression et de compréhension des enjeux globaux, capables de participer à combattre les injustices et les oppressions.