La terre est à nous ! Pour la fonction sociale du logement et du foncier, résistances et alternatives
Sommaire du dossier
- Introduction
- La fonction sociale du foncier et la sécurité de l’occupation
- « Socialiser » le foncier en le soustrayant au jeu de la spéculation
- La sécurité du foncier : une introduction
- Chili : villes néolibérales et vulnérables. Entre reconstruction post-désastres et résistances
- La reconstruction de Port-au-Prince après le séisme de 2010 : un problème foncier ?
- Afrique de l’Ouest : Consolider les droits fonciers urbains populaires par des formes juridique et urbaine
- Sécurité de l’occupation et fonction sociale de la terre en Inde
- Droit d’héritage, droit coutumier : un frein à l’émancipation des femmes en Côte d’Ivoire
- Récupérer la ville comme espace de lutte anticapitaliste
- Les terres du Printemps arabe
- Les racines urbaines de la révolte de Gezi à Istanbul
- Les voies vers le développement de la fonction sociale de la propriété au Brésil : entre avancées et tensions sociales
- Le rôle des groupements résidentiels dans la dévaluation du capital social Lakota Oglala
- La lutte du peuple Mapuche au Chili entre terres et territoires
- Les terres palestiniennes comme principal axe de conflit face à l’occupation et au colonialisme
- Avancées juridiques contre les accaparements de terre au Bénin
- Terres et ressources à Madagascar : résistances des populations versus nouvelles convoitises
- La lutte contre les accaparements de terre au Mali
- Dévitaliser le droit de propriété de sa substance spéculative
- Les formes coopératives, communautaires et collectives d’occupation du foncier et leur contribution à la fonction sociale du foncier et du logement
- Hongrie : les agences immobilières à vocation sociale. Un programme de logement innovant
- France : La nécessaire reconnaissance d’un droit d’usage opposable à la vacance
- Se réapproprier le droit pour retrouver une prise sur l’usage du foncier
- L’Andalousie ouvre la voie : occupations populaires et réponse institutionnelle. Des corralas à la loi sur la fonction sociale du logement
- La fonction sociale de la propriété : entre revendications sociales et décisions de justice dans la campagne brésilienne
- Terre et facteurs d’empowerment des femmes : Le mouvement coopératif en Égypte
- Les Community land trust ou la propriété commune de la terre
- L’accès au foncier urbain et la construction de la ville
Terre et facteurs d’empowerment des femmes : Le mouvement coopératif en Égypte
Ce texte se fonde sur la présentation faite au Land Forum à Tunis en mars 2013, organisé par HIC-HLRN.
En Égypte, des coopératives de toute sorte voient le jour afin de satisfaire difféents besoins, tels que ceux des consommateurs pour des biens et services, et ceux des producteurs pour maximiser leur force de travail en mobilisant des économies limitées. À travers l’utilisation économique d’actifs limités, la coopérative peut satisfaire plus de besoins avec moins de ressources.
Ainsi, l’approche coopérative s’avère la plus adaptée à la recherche d’un développement équilibré. Elle est également intimement liée au développement de ressources humaines, c’est-à-dire le développement qui vise à étendre les options disponibles. Les coopératives permettent de rassembler des efforts de moindre envergure et dispersés et des faibles sommes d’argent au sein d’entités plus importantes, sans nier la propriété privée, et de réaliser ainsi les avantages de la production massive et des économies d’échelle, malgré une faible participation.

L’Alliance coopérative internationale (ICA) reconnaît l’importance des coopératives de femmes, soulignant que les femmes choisissent dans le monde entier des projets coopératifs car ils sécurisent leurs besoins économiques et sociaux, que ce soit pour assouvir leurs aspirations personnelles, pour obtenir les produits et services dont elles ont besoin, ou pour développer une activité économique fondée sur les valeurs de la solidarité sociale. Ainsi, les femmes prennent progressivement conscience du fait que les coopératives constituent un choix optimal pour subvenir à leurs besoins, en particulier lorsque ces coopératives sont des projets dont la propriété est démocratiquement établie et gérée par une direction qui se fonde sur le travail volontaire, la responsabilité personnelle, la démocratie, l’égalité, la justice et la souveraineté. Ces valeurs permettent aux membres d’exercer leur activité à travers leurs propres décisions prises démocratiquement afin de répondre aux aspirations d’accomplissement de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
Les coopératives répondent aux besoins pratiques et stratégiques des femmes, leur fournissent des moyens d’organisation effectifs, contribuent à améliorer leur niveau de vie à travers des opportunités d’emploi, d’épargne, de crédit, de santé, de logement, de services sociaux, d’éducation et formation dignes, leur offrent la possibilité de participer aux activités économiques et d’influencer ces dernières, et leur permettent d’obtenir l’égalité et de changer le biais des institutions étatiques envers des groupes spécifiques. Les coopératives aident les femmes à s’atteler aux activités de projets qui maximisent leurs revenus en organisant leur travail de manière flexible, tout en respectant les rôles multiples des femmes dans la société.
Le message d’ICA fait référence aux grands succès remportés par les coopératives de femmes dans de nombreux pays, à commencer par le Burkina Faso, l’Inde, le Japon, le Honduras et les États-Unis. En Égypte, les femmes constituent le soutien économique d’environ 35 % des familles, selon les statistiques de divers centres de recherche. Ceci inclut la provision du logement dans les cas de divorce ou veuvage. Le rôle des coopératives de logement afin de fournir un logement alternatif adapté aux familles est devenu clair, en particulier pour les habitants de communautés très marginalisées comme la cité des morts (au Caire) et des bidonvilles à travers le pays. Les coopératives fournissent alors des structures de logement et remplissent un vide laissé par l’État dans les politiques et programmes visant à assurer un logement et des conditions de vie décentes, ce qui inclut l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement, aux voies bitumées, à l’électricité, aux services de base et même aux activités de loisir.
Dans les communautés rurales, les femmes égyptiennes ont aussi formé des coopératives afin de maximiser leur production agricole et améliorer leur sécurité alimentaire. On trouve des exemples récents de coopératives agricoles de femmes formées dans le gouvernorat de Matrûh et la région d’An Nubariyah, dans le secteur côtier au nord du pays. [1]
Le soulèvement du 25 janvier 2011 a ouvert de nouvelles possibilités pour le mouvement coopératif en Égypte. Après la chute du Président Hosni Moubarak, lorsque le Ministre de la Main-d’œuvre Ahmed El-Borai (2011) a instauré le droit à la formation d’associations agricoles, des femmes rurales se sont regroupées en syndicats [2] et ont appelé l’État à les soutenir dans leurs efforts pour la constitution de leurs propres coopératives agricoles. [3]
Le mouvement coopératif égyptien a enseigné aux femmes comment la coopération pratique et le regroupement de ressources faibles peuvent multiplier leurs moyens économiques. Cette leçon d’empowerment a démontré la manière dont l’agence de femmes peut permettre de faire face à des obstacles paraissant insurmontables sur la voie de leur bien-être. Les composantes de cette force collective incluent en particulier :
- Participer à alléger l’impact de la pauvreté résultant de l’économie néolibérale et/ou libérale, en travaillant à libérer ses membres du contrôle et de l’exploitation du capital privé ;
- Rassembler des membres afin de gérer leurs intérêts économiques collectivement, non pas sur la base de la taille de leur propriété, mais sur la base d’un vote par membre ;
- Proposer des alternatives aux 38 % d’enfants de mères seules qui sont obligés de quitter l’école et de travailler afin de compenser le déficit de revenu de leurs mères.
À travers ces moyens collectifs, les coopératives peuvent amener un empowerment des groupes les plus marginalisés de la société, en particulier des femmes qui sont le soutien économique et le chef de famille de leur foyer. Grâce aux coopératives, les efforts de développement peuvent servir l’intérêt des femmes afin d’obtenir un changement réel, encourager leur capacité à apporter des solutions créatives et innovantes aux problèmes locaux et maximiser les capacités dispersées en les regroupant en une force sociale et économique.