De la puissance, nous ne saisissons le plus souvent que les jeux de surface : l’apparat, les rituels, les sacres qui la mettent en scène ; les monuments, les palais, les chroniques qui l’immortalisent. Cependant, il ne faudrait pas oublier qu’à l’origine de toute puissance, qu’elle soit humaine ou animale, il y a un acte de prédation. Même lorsqu’il emploie un langage d’amour, le puissant est toujours un prédateur - la séduction est la plus terrible des armes. Sous le doux euphémisme de l’"intégration", c’est toujours l’"assimilation" du corps étranger qui est visée. Ce n’est donc pas sans raison que Deleuze voit dans l’État un appareil de capture. Mais c’est avec l’esclavage, qu’il soit lié ou non à un État, que le métabolisme de la puissance se révèle à nu : saisir, absorber, digérer.
Dans les lignes qui suivent, nous tenterons une analyse "spectrale" du système esclavagiste, une analyse des ombres qu’il projette dans l’imaginaire social. De cette "spectrographie" se dégagera la figure du "nègre marron" : le fugitif par excellence. En ces temps de rafle, de chasse à l’immigré (politique des "quotas d’expulsion"), cette figure de résistance garde toute son actualité. Lire