Sciences et Démocratie : un mariage de raison ?
Sommaire du dossier
- Introduction
- Science et société un divorce consommé ?
- Libérer la recherche de la croissance
- Les dérives du droit de propriété intellectuelle
- La recherche en Afrique : nécessité ou mirage ?
- Les pays émergents sur les talons de l’Occident
- Expertise : la fin du monopole
- Démarche participative : le Prajateerpu
- Et si on relocalisait la science ?
- Un atome de démocratie
- Recherche : une drôle d’économie
- Le rêve insensé de la technoscience
- Savoirs et transmission : sortir du XIXe siècle
- Les dérives du droit de propriété intellectuelle
- Enquête Logiciel libre : Un modèle d’émancipation
- Des choix technologiques trop orientés
- La mobilité révolutionnée
- Pour une nouvelle recherche agronomique
- De l’éthique dans les essais cliniques au Sud
- Enquête OGM : Semences paysannes, graines de savoirs
- Agriculture : changer la donne
- Transparence : la bataille de l’information
- Parcours : Elena Alvarez-Buylla, le temps de l’alerte
- Enquête Nanotechnologies : Les raisons d’un échec
- Qui gouverne l’innovation ?
- Le poids des associations de malades
Agriculture : changer la donne
Science et Société : Renouer le dialogue
Cet article a été publié il y a plus de dix ans, certaines informations qu'il contient sont susceptibles d'être incomplètes/obsolètes.
Moins connu que le GIEC, l’IAASTD1 a toutefois permis de remettre en cause le paradigme du développement appliqué à l’agriculture. Entretien avec Jacques Loyat2, agroéconomiste associé au Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Qu’est-ce que l’Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement (IAASTD) ?
Jacques Loyat : L’IAASTD est un processus d’évaluation intergouvernemental et pluridisciplinaire qui s’est déroulé de 2004 à 2008 et qui était cofinancé par différentes organisations internationales. Son objectif était de comprendre comment les connaissances de différentes natures, notamment les sciences agronomiques et les technologies agricoles, pouvaient contribuer à la réalisation de certains des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Quelle est l’originalité de ce modèle d’expertise ?
J.L. : A l’instar du GIEC, nous avons voulu rassembler l’ensemble des parties prenantes, tout en respectant un équilibre géographique et la parité entre les représentants des Etats et de la société civile au sein de l’organe de décision, le bureau. Le choix a été fait de ne pas nous limiter aux connaissances purement scientifiques. Grâce à la présence des ONG, une très grande importance a été donnée aux savoirs locaux. Dès le départ, il a été décidé que nos conclusions ne devaient être ni prescriptives, ni simplificatrices. 400 experts internationaux et indépendants ont travaillé sur ce projet. Il y a eu de véritables discussions, notamment avec les tenants d’un libéralisme pur et dur. Les principaux points de vue divergents ont été conservés dans les conclusions.
Quels sont les résultats de cette expérience ?
J.L. : Le rapport final comprend des remises en cause des positions dominantes sur le commerce international, sur les biotechnologies et sur le modèle de développement appliqué à l’agriculture ces cinquante dernières années. Dans une expertise internationale, c’est une première. Il reconnaît aussi la nécessité de prendre en compte les multiples fonctions de l’agriculture. Ce changement de paradigme est loin d’être neutre. Dans les discussions politiques internationales, on peut désormais parler de multifonctionnalité de l’agriculture. Pour faire suite à ces travaux qui invitent à replacer l’agriculture au coeur du développement, une nouvelle initiative, l’Observatoire des agricultures du monde (OAM) va être créé sous l’impulsion conjointe du Cirad et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ce dispositif de suivi des agricultures s’appuiera sur un réseau d’observatoires à travers le monde. Il constituera un espace de production et d’accumulation de connaissances et un lieu de réflexion et de débats pour une meilleure connaissance des agricultures et de leurs dynamiques et ainsi permettre le renforcement des capacités des populations agricoles.
1 Evaluation internationale des sciences et technologies agricoles pour le développement. En savoir plus : www.agassessment.org.
2 Jacques Loyat est l’auteur du chapitre « Option pour l’action » du rapport Amérique du Nord et Europe de l’IAASTD.